Quand en 2008, seul, Yann Jaouen s’est lancé dans le grand bain de l’Artisanat, il n’était sûr que d’une chose : il y avait de la demande, il pouvait y répondre. Aujourd’hui à la tête de deux entreprises employant 14 personnes, sa volonté s’est doublée d’une autre conviction : il n’y aura d’avenir viable que si chacun, à son échelle, et tous collectivement nous prenons l’engagement de préserver les ressources naturelles.
« Dans le domaine de l’habitat, il est possible d’améliorer significativement les performances énergétiques des logements, de les rendre plus confortables et plus sains en pensant à l’avenir de tous : la transition doit être écologique ET solidaire. Quand les gens nous appellent leur réflexion écologique est bridée par la question économique. Evidemment ils sont encouragés par les aides de l’Etat et trouvent de l’information auprès d’organismes tels que l’ADEME et l’ANAH. Dans le meilleur des cas on cherche un rapport qualité-prix et on donne le dernier mot à son porte-monnaie. Dans le pire, lorsqu’on n’écoute que son porte-monnaie, c’est l’assurance de connaitre rapidement des dysfonctionnements et parfois de se mettre en danger. Un poêle mal installé, mal utilisé par défaut d’information, une chaudière mal entretenue, un ramonage dont on se dispense peuvent aboutir à un départ de feu ou une intoxication au monoxyde de carbone. Collectivement, nous sommes en devoir d’exiger plus, nous avons une responsabilité. Je ne veux pas entrer dans le discours culpabilisant largement dominant sur l’environnement mais il est quand même temps d’apporter ensemble les bonnes réponses aux questions posées par notre économie de cigales.
Je ne veux pas entrer dans le discours culpabilisant largement dominant sur l’environnement mais il est quand même temps d’apporter ensemble les bonnes réponses aux questions posées par notre économie de cigales.
Trois piliers soutiennent ma vision d’artisan du bâtiment :
La sobriété énergétique : en supprimant les gaspillages et les équipements superflus nous accédons à une conscience pragmatique des questions environnementales. Elles ne sont plus un discours abstrait, réservé aux médias ou à nos temps de parole raisonnable (dans le style mortification et « vœu pieux »), elles se traduisent concrètement par une diminution de nos factures et la sensation très agréable d’un allègement moral.
L’efficacité énergétique : la réduction des consommations s’appuie sur une approche technologique mais aussi sur l’information des usagers. Je consacre beaucoup de temps au conseil et à la discussion avec ma clientèle. Dans ce métier la relation humaine compte énormément : la confiance doit être réciproque, je dois être sûr de répondre au mieux et dans la durée aux besoins des personnes qui sollicitent nos services. Et mine de rien, ça aussi c’est se montrer solidaire. C’est à chaque fois une rencontre entre les projets du client et la maitrise des techniques et de la réglementation du professionnel. Et sur le plan personnel, cette façon d’être est aussi d’une bonne efficacité énergétique : je fais le plein d’histoires, d’idées. C’est rassurant de voir que les gens apprécient d’avoir une relation personnalisée basée sur l’échange.
Les énergies renouvelables : une combinaison d’énergies apporte des solutions de remplacement inestimables. Les énergies 100% renouvelables sont capitales en matière de développement durable et solidaire. Par exemple, l’énergie solaire, par le biais des panneaux thermiques et photovoltaïques, permet de répondre soi-même à une grande part des besoins en électricité d’une maison individuelle. Les gens n’en sont pas encore suffisamment convaincus malgré les campagnes d’information. C’est quand même fantastique de se dire que l’on peut s’émanciper des grands groupes qui ont favorisé la catastrophe climatique actuelle ! D’ailleurs ils l’ont bien compris et à grand renfort de communication et de primes ils essaient de conserver leur avantage. A nous de leur préférer les solutions qui nous laisseront maîtres de notre avenir. J’ai envie d’être un des maillons de cette chaîne de sensibilisation qui aboutira à un changement des mentalités et des comportements Autre exemple, celui du chauffage au bois : économiques et écologiques grâce à leur bon rendement, les poêles et les chaudières fonctionnant au bois sont mes installations de prédilection. Je suis toujours impressionné par les innovations technologiques et esthétiques des fabricants qui me permettent de travailler avec des machines qui correspondent à ma ligne de conduite. Autre atout de cette source d’énergie, le bois de chauffage est issu de la filière forêt-bois française. L’utilisation de ce combustible permet la création d’emplois non délocalisables. Chez nous, en Bretagne, on trouve de nombreux exploitants et transformateurs de cette biomasse comme en témoignent les études de ABIBOIS*. Nous pouvons être fiers de cet engagement sur notre territoire, et ce n’est qu’un début !
Enfin je voudrais souligner que toutes les bonnes énergies sont à promouvoir. Sans les compétences et les qualités humaines de mon équipe je ne pourrais pas développer mon projet d’entrepreneur tourné vers l’innovation et l’écologie (une écologie qui a pour objectif de protéger l’environnement en général, afin de permettre aux sociétés d’y vivre avec résilience et de façon pérenne). Je crois beaucoup à cette synergie et mon souhait est de la faire découvrir à ceux qui doutent de la capacité que nous avons tous à nous renouveler. Avant d’être artisan j’ai passé 15 ans dans le monde des sports nautiques : sportif de haut niveau, entraineur, j’ai su réinvestir ma passion et mon énergie dans ma nouvelle vie. C’est pourquoi je suis particulièrement fier que mes collaborateurs aient embarqué sur mon « bateau ». Certains d’entre eux ne se destinaient pas à l’artisanat ni au bâtiment mais, riches de leur expérience dans d’autres domaines, c’est par conviction qu’ils se sont reconvertis dans ce secteur. Aujourd’hui, comme beaucoup de mes confrères, je rencontre des difficultés de recrutement parce que les jeunes, et les moins jeunes, ne s’orientent pas volontairement vers les métiers du bâtiment. Plus assez nobles ? Pas assez « stylés » ? Trop difficiles et mal payés ? Ce à quoi je réponds : formez-vous dans les bonnes entreprises, soyez curieux et acteurs de votre vie, soyez à la hauteur de vos attentes et vous y trouverez votre compte. Aider les gens à réaliser leur rêve ou les sortir d’un cauchemar, c’est plutôt gratifiant ! Quelles valeurs voulons-nous incarner ? J’ai posé récemment la question à mon équipe lors d’une réunion et voici les mots qui sont ressortis : sensibilité, relation humaine, humour, authenticité, partage, confiance, curiosité, sérieux, générosité, écoute. Nous sommes bien loin des aprioris collés à la profession !
Plus nous serons nombreux à comprendre l’intérêt de cette démarche écoresponsable, plus nous pourrons espérer que l’ensemble des acteurs (particuliers, entreprises, collectivités) de notre société adoptera cette conduite vertueuse.
* L’association Abibois est née de la volonté de quelques professionnels de « sortir du bois » pour travailler ensemble au développement d’une filière bois en Bretagne.
