Portrait d’une coopératrice engagée

  • 5 février 2023

Écrit par: Romuald Garnier • Photographies: Antoine GASSI

En ce début d’année, nous avons pris le temps d’une rencontre avec Sarah, salariée et coopératrice de notre entreprise. Un temps de rencontre pour mieux la découvrir et cerner la source de cette énergie qui la caractérise tant.

En quelques lignes, est-ce que tu peux nous raconter tes racines, ton parcours, tes passions…bref, qui tu es ?

Je suis née à Quimper et depuis une dizaine d’années j’habite au Juch, une commune rurale au cœur du pays de Douarnenez. J’ai passé mes années collège et lycée à Douarnenez avant d’entamer mes études supérieures à Quimper. Ma maman est originaire de l’est de la France, de Luxeuil-les-Bains plus exactement, en région Bourgogne-Franche-Comté. Elle est aide-soignante de métier et travaille au centre de rééducation de Tréboul mais avec une fonction très polyvalente puisqu’elle participe autant à l’organisation de la boutique du centre qu’à l’assistance des services de santé auprès de la patientèle. S’agissant de mon père, il a réalisé toute sa carrière professionnelle dans le commerce en tant que boucher, chef-boucher puis en direction de magasin dans la distribution alimentaire. J’ai deux sœurs et deux frères. Je suis la plus jeune. Une de mes sœurs vit à Dubaï et travaille au consulat Français. Mes autres frères et sœur vivent dans le pays de Douarnenez. L’un d’eux est chaudronnier, l’autre crêpier puis ma seconde sœur travaille comme conductrice de machine au sein de la conserverie Chancerelle, à Douarnenez.

En quoi le pays de Douarnenez est un territoire important pour toi ?

Je m’y sens bien et j’aime sa richesse historique, notamment autour des ports de pêche, et son patrimoine culturel. La ville a été une grande citée maritime, ce qui lui donne une âme particulière. Mon grand-père était propriétaire d’un bar aux halles de Douarnenez, il s’appelait le « Balteau ». Il était marin de commerce et après un accident, il est devenu tenancier de ce bistrot avec ma grand-mère. Ils accueillaient essentiellement une clientèle de pêcheurs. C’est lui, ou plutôt eux, qui ont initié cette voie commerçante dans la famille. Aujourd’hui, je suis fière de poursuivre ce chemin initié par mes grands-parents paternels et mon père. Le Juch est une commune rurale et c’est pour cela que je l’apprécie particulièrement. Je m’y sens vraiment bien. Avec mon métier, je vois et rencontre du monde toute la journée aussi, le fait de vivre en ruralité me permet de prendre du recul, de me retrouver et de reprendre contact avec la nature, bref, de prendre le temps et d’aller moins vite. Le Juch, c’est aussi la commune où se trouve mon centre équestre, un lieu important pour moi car c’est là que j’y pratique ma passion, l’équitation.

Est-ce que tu peux nous parler cette passion ?

L’équitation est ma passion depuis toute petite. J’ai dû arrêter ma pratique durant cinq années, en pleine période de croissance, à la suite d’une mauvaise chute. J’ai remonté l’année de mes 18 ans. L’équitation me fait vibrer et donne un sens profond à ma vie. Dès que j’ai un moment, je m’y consacre pleinement. L’équitation, c’est d’abord de la persévérance, et pour moi, c’est une valeur fondamentale. L’équitation, c’est aussi l’école de la patience, une autre valeur fondamentale à mes yeux. Plus globalement, je me retrouve dans les valeurs de l’équitation et la pratique me permet de nourrir ces valeurs alors je m’y atèle et continue de grandir et de m’épanouir auprès des chevaux. Le contact avec le cheval et la pratique me stimulent et chaque séance qui passe me permet de mieux me connaître. L’équitation est un miroir grossissant qui me permet d’explorer mes peurs et mes craintes mais surtout de nouvelles facettes de ma personnalité que je ne connaissais pas ou peu et ça, c’est vraiment enthousiasmant. A chaque échec, je me développe et à chaque réussite, je me renforce.

Est-ce que tu peux préciser les valeurs qui sont pour toi importantes dans l’équitation et qui s’incarnent aussi dans ta personnalité ?

La patience, le travail, la persévérance, la frugalité et la générosité. Dans la relation au cheval, il faut parfois se suffire de très peu et en même temps récompenser beaucoup. On travaille avec un animal, un être vivant, aussi, on doit être attentif à privilégier la qualité à la quantité. Pour bien coopérer avec son cheval, on doit y aller petitement pour que chaque expérience soit positive et permette de pouvoir établir et construire la relation. Même si l’expérimentation échoue, ça n’est pas grave pour peu que l’on apprenne de cette expérience. Il faut accepter l’échec et capitaliser les réussites pour toujours continuer de renforcer la confiance et ainsi, progresser et se développer. Pour moi, l’équitation questionne aussi sur l’idée de la retenue et de la justesse, une idée contraire à ce qu’il nous est permis d’observer dans la société actuelle qui nous demande d’aller toujours plus vite ou de consommer toujours plus.

Qu’est ce qui pour toi a été le plus apprenant depuis que tu pratiques l’équitation ?

Dès que l’on tombe, on doit se relever pour recommencer ! Il y a là l’idée de la persévérance comme je l’ai souligné précédemment, une valeur importante pour moi, mais je crois que ce que l’équitation m’a le plus apporté encore, c’est l’école de la patience. La patience est une qualité que je développe au travers de cette pratique. Dans ma vie professionnelle, j’ai tendance à faire preuve d’impatience, j’aime obtenir rapidement ce que je veux et l’équitation m’aide en ce sens qu’elle me permet de me canaliser et d’accepter que les choses prennent parfois du temps.

Depuis peu, tu es propriétaire d’un cheval. En quoi le fait de devenir propriétaire d’un cheval était important pour toi ?

Pour moi, c’est la concrétisation d’un rêve d’enfance. Quand la passion s’est révélée, j’ai toujours imaginé avoir mon propre cheval. Je me suis donné les moyens en 2022, à 22 ans, de concrétiser ce rêve, un clin d’œil singulier tout de même ! Cette opportunité que je me suis donnée va, je crois, m’ouvrir de nombreuses perspectives. C’est une jument qui a 9 ans, elle s’appelle Dalila, et je la connaissais avant d’en être la propriétaire. Le fait d’être propriétaire aujourd’hui m’oblige plus encore, notamment dans le fait des soins. Par ailleurs, être propriétaire ne doit pas m’exonérer de continuer d’écouter les conseils des coachs qui m’entourent, l’humilité reste de mise. En équitation, rien n’est acquis, j’en ai pleinement conscience et c’est important pour moi de respecter cet état d’esprit.

Il faut accepter l’échec et capitaliser les réussites pour toujours continuer de renforcer la confiance et ainsi, progresser et se développer. Pour moi, l’équitation questionne aussi sur l’idée de la retenue et de la justesse, une idée contraire à ce qu’il nous est permis d’observer dans la société actuelle qui nous demande d’aller toujours plus vite ou de consommer toujours plus.

Est-ce que tu peux nous témoigner de ton parcours à Maison Biologique ?

J’ai intégré l’entreprise en août 2018, en tant qu’alternante, pour une formation BTS Management des Unités Commerciales. A la suite de cette formation, j’ai poursuivi mon alternance au travers d’une licence professionnelle Responsable Commerciale et Marketing avec une option création d’entreprise, ce qui m’a permis d’élargir ma vision de l’entrepreneuriat. J’ai obtenu ma licence en juillet 2021 et j’ai signé dans la foulée un contrat à durée indéterminée. L’aventure continue, pour encore de longues années j’espère.

Au regard de ton parcours, quels sont les trois moments clés qui sont les plus importants pour toi ?

Je commencerais bien évidemment par mon arrivée, juste après mon baccalauréat. C’était pour moi mon premier contrat de travail et le fait de poursuivre ma formation par une alternance était pour moi un énorme challenge. Je l’ai vraiment ressenti comme tel. Le deuxième point clé est pour moi l’obtention de ma licence. Je ne me sentais pas capable de pouvoir y accéder mais j’ai persévéré et j’y suis arrivée. Pour terminer, je crois que le dernier point important pour moi est la signature de mon contrat indéterminé qui vient concrétiser tout ce parcours de formation et valider un choix personnel qui s’est avéré juste car je me sens épanoui dans mon quotidien. J’ai conscience que c’est une chance, à 22 ans, d’être alignée de cette manière et de m’épanouir autant dans mon travail.

Après toutes ces années, qu’est-ce que tu retiens de ton métier et de toutes ces expériences ?

La polyvalence, assurément ! Elle est pour moi essentielle et aujourd’hui, elle me donne la possibilité de pouvoir exercer sur les deux magasins tout en prenant des responsabilités d’élue au sein de la coopérative, cela ouvre des perspectives que je n’imaginais pas et qui m’enthousiasment. Lorsque j’ai découvert ce qu’était la polyvalence, au sein de Maison Biologique, dans le cadre de ma première alternance, j’ai été vraiment séduite et conquise. Dans les nombreux stages que j’ai réalisé au lycée, j’étais bien souvent missionnée sur des postes fixes et, rapidement, j’ai compris que cela ne me convenait pas. Aujourd’hui, j’exerce plusieurs fonctions, c’est ma vision au regard des responsabilités qui me sont confiées. Au travers de mon métier, je me sens aussi être un trait d’union entre différentes parties prenantes que sont les fournisseurs locaux, les collaborateurs de la coopérative, les clients ou encore les autres sociétaires, qu’ils soient gérant(e)s de magasin ou salarié(e)s. Le fait d’être au centre de ce rouage ne me donne pas l’impression d’être enclavée dans un magasin mais plutôt actrice d’un écosystème qui dépasse largement les murs des magasins. Je suis là pour fluidifier les interrelations entre les produits, le consommateur, les équipes, les fournisseurs…

Tu as un engagement politique au sein de notre coopérative depuis maintenant presqu’un an, est-ce que tu peux nous expliquer les objectifs de cette mission et en quoi cette responsabilité est importante pour toi ?

Mon objectif est de réunir les magasins du Finistère, via les sociétaires gérants, salariés, producteurs et consommateurs coopérateurs pour proposer, partager et échanger autour de divers sujets concernant des problématiques liées au territoire départemental et parfois national. Nous travaillons et proposons des sujets d’amélioration, de partenariat, d’innovation…puis nous transmettons le fruit de ces échanges et débats au conseil territorial de notre coopérative qui, lui-même, proposera ces réflexions au conseil national. Abondées et passées au tamis de ces instances, les différentes propositions et réflexions nous sont ensuite retransmises dans les territoires pour continuer à les travailler jusqu’à validation et mise en œuvre. Je suis la représentante du collège des salariés sociétaires et j’anime ces réunions avec un collègue représentant du collège des gérants sociétaires.

Qu’est ce ça t’apporte d’avoir pris cette responsabilité depuis plus d’un an maintenant ?

Ça m’a permis de m’impliquer au-delà des murs des magasins pour le projet politique de notre coopérative. Cet engagement m’a aussi permis d’élargir mon réseau et de permettre à d’autres collaborateurs de s’impliquer également. A chaque fois que mes collègues salariés sociétaires me sollicitent, je me dois de leur apporter des réponses aussi, cette responsabilité m’oblige dans mes compétences et mes connaissances vis à vis de la gouvernance de notre coopérative, de l’état du marché, des projets en cours et de bien des sujets autour de notre métier. Ce mandat m’a ouvert à des interlocuteurs auxquels je n’avais pas accès. C’est beaucoup de rencontres avec un fort devoir de transmission, c’est quelque chose que j’apprécie particulièrement et qui me réjouit.

La transmission, c’est une valeur qui est importante pour toi je crois !

Oui, c’est une valeur essentielle pour moi. D’ailleurs, j’ai en responsabilité l’accueil des stagiaires en magasin tout au long de l’année. La transmission, c’est le cœur de mon métier. C’est une valeur que j’essaie d’appliquer au quotidien avec l’ensemble des interlocuteurs que j’ai l’occasion de côtoyer, qu’ils soient des producteurs, collègues ou encore des consommateurs. Notre projet est avant tout politique et nous devons transmettre les idées fortes de ce projet politique au plus grand nombre. On est là pour transmettre nos valeurs, notre culture de coopération, notre objectif politique de développement d’une agriculture biologique paysanne de proximité mais aussi et surtout l’exigence de notre cahier des charges coopératif qui nous anime au quotidien et sur ce dernier point, ce n’est pas une tâche facile.

Tu as participé à la construction du nouveau projet d’entreprise de Maison Biologique, que t’a apporté cette expérience et qu’est-ce que tu retiens de ce travail ?

Je crois que cela m’a donné l’opportunité de faire un point sur là où j’en étais, à la fois personnellement et professionnellement. J’ai pu notamment mieux appréhender les valeurs qui étaient importantes pour moi et cela m’a notamment donné l’élan pour me proposer à la candidature de responsable de maison locale. Ce long travail m’a beaucoup stimulé intérieurement et m’a permis de questionner mes peurs, mes appréhensions…On a appris à mieux se connaître les uns, les autres et à mieux cerner la force de notre collectif. Je pense que l’accompagnement a renforcé ce lien déjà fort qu’il y avait entre nous tous. Au-delà de cet apport identitaire et interrelationnel, ce travail m’a particulièrement fait prendre conscience de ma responsabilité vis à vis de l’écosystème que l’on entraine avec nous. Au travers de notre petite entreprise, j’ai le sentiment que ma responsabilité est grande et dépasse largement ce que peut constater au quotidien un consommateur lorsqu’il nous observe à la tâche.

Quelle différence tu fais entre le projet dans lequel tu t’inscrits aujourd’hui et celui d’avant ?

Le projet que l’on avait avant était à la hauteur mais il devait évoluer. Il était celui de Romuald, le fondateur gérant alors que maintenant, le projet appartient à l’entreprise Maison Biologique. L’équipe étant stable, nous avons tous évolué et progressé aussi, il nous fallait passer à un nouveau projet, plus ambitieux et plus inclusif. Le projet d’entreprise est aujourd’hui plus concret et moins conceptuel. J’ai le sentiment qu’il est plus entreprenant et je me sens plus ancrée dans ce projet. Intimement, j’ai trouvé ma voie et je me sens tout à fait alignée avec ce que je fais au quotidien. Je suis fière des produits que je vends, je me sens à l’aise dans mon quotidien et je me sens particulièrement à ma place dans mon métier et au sein de­­­ l’entreprise.

BIOCOOP
MAISON BIOLOGIQUE
Sarah Donnart
Coopératrice