Guérir du manque de nature

La protection de l'environnement dépend peut-être surtout des émotions ressenties par les enfants d'aujourd'hui envers la nature, et de la force ou de l'existence même de leur attachement à la nature. Par Richard Louv, qui a décrit et nommé le "trouble du déficit de nature".

Je me demande souvent à quoi je suis attaché ici en Californie, hormis à de bons amis, un bon travail et une météo clémente. Ce n’est certainement pas un line à l’environnement façonné par l’homme, mais plutôt à un paysage tranché et découpé jusqu’à en être méconnaissable.

 

J’adore les parcs et les quartiers plus anciens de ma ville, en particulier les matins où le brouillard adoucit les angles. Et, j’adore les plages. L’océan pacifique, imperturbable face au changement, reste le dernier endroit sauvage où les californiens du sud peuvent surfer. On peut compter sur lui, il est toujours là, mais il garde une part de mystère et de danger, et certaines créatures qu’il abrite dépassent l’être humain et son entendement. Je ne surfe pas, mais je comprends l’attachement des surfeurs à l’océan, et une fois que cet attachement existe, on ne le perd jamais.

 

Quand je prends la route vers l’est dans les montagnes, et que je traverse Mesa Grande, Santa Ysabel et Julian, je sais que ces endroits sont ancrés dans mon coeur. Ils ont pour moi une part de mystère qui les rend différents de n’importe quel autre lieu sur Terre. Mais il y a encore et toujours cette petite voix en moi qui me répète : « Ne t’attache pas trop ». A cause de l’étalement urbain, j’ai le sentiment que ces champs, ruisseaux et montagnes que j’aime tant pourraient disparaître, et je ne peux donc pas prendre le risque de m’y attacher totalement. Je m’interroge sur les enfants qui ne se sont jamais attachés à la nature, ou même qui apprennent à se méfier de ce lien dès leur plus jeune âge. Ont-ils des réactions similaires devant les paysages qu’ils connaissent ?

Je ne surfe pas, mais je comprends l'attachement des surfeurs à l'océan, et une fois que cet attachement existe, on ne le perd jamais. 

Depuis vingt-cinq ans, la psychologue Martha Farrel Erickson et ses collègues utilisent la « théorie de l’attachement » comme cadre pour leur étude longitudinale sur l’interaction parent-enfant. Ils mettent en pratique ces idées lors d’interventions préventives auprès des parents en situation difficile. La santé de la famille, liée à la santé de la communauté environnante, est devenue une préoccupation croissante pour Erickson.

 

« La théorie de l’attachement qui suppose la création d’un lien profond entre l’enfant et le parent est un processus psychologique, biologique et spirituel complexe. Sans cet attachements un enfant est perdu, vulnérable à toutes sortes de pathologies. Je suis convaincu qu’un processus similaire peut lier les adultes à un lieu et leur donner un sentiment d’appartenance et une raison d’être. Sans un attachement profond à son lieu de vie, un adulte peut aussi se sentir perdu. L’expérience des enfants en milieu naturel semble largement négligée dans la recherche sur le développement de l’enfant, mais il serait intéressant d’examiner ces premières expériences et leur influence sur le long terme. On connait la capacité de la nature à apporter calme et apaisement dans nos vies trépidantes ; on pourrait également s’intéresser à la manière dont la relation d’une famille à la nature influence la qualité générale des relations familiales ».

 

Si un lieu géographique change rapidement d’une manière qui touche son intégrité naturelle, alors l’attachement précoce des enfants à la terre est en danger. Si les enfants ne s’attachent pas à la terre, ils ne récolteront pas les bénéfices psychologiques et spirituels que la nature peut leur procurer et ils ne développeront pas d’engagement en faveur de l’environnement sur le long terme. Ce manque d’attachement exacerbera les conditions mêmes qui ont créé ce sentiment de désengagement, alimentant une spirale infernale, dans laquelle nos enfants et la nature se détachent de plus en plus l’un de l’autre.

 

Je ne dis pas que la situation est désespérée. Loin de là. Les groupes de défense de l’environnement et, dans certains cas, les organisations scoutes traditionnelles, commencent à prendre conscience de la menace que représente pour l’environnement le syndrome du manque de nature. Quelques-unes de ces organisations agissent en faveur des retrouvailles nature-enfant. Ils admettent que si la connaissance de la nature est vitale, la passion reste le carburant qui permettra de tenir la distance dans la lutte pour sauver ce qui reste de notre patrimoine naturel et, grâce au retour de la nature en ville, de restaurer certains territoires perdus.

 

La passion ne se communique pas via une vidéo ou un CD, la passion est intime. La passion émerge de la terre elle-même et des mains boueuses des enfants. Elle migre le long des manches maculées d’herbe jusqu’au coeur. Si nous voulons sauver l’écologie et l’environnement, nous devons aussi sauver une espèce clé en voie de disparition : l’enfant et la nature.

 

 

Les Vosges 20 Les Vosges 10 Les Vosges 18

Je ne surfe pas, mais je comprends l'attachement des surfeurs à l'océan, et une fois que cet attachement existe, on ne le perd jamais. 

Depuis vingt-cinq ans, la psychologue Martha Farrel Erickson et ses collègues utilisent la « théorie de l’attachement » comme cadre pour leur étude longitudinale sur l’interaction parent-enfant. Ils mettent en pratique ces idées lors d’interventions préventives auprès des parents en situation difficile. La santé de la famille, liée à la santé de la communauté environnante, est devenue une préoccupation croissante pour Erickson.

 

« La théorie de l’attachement qui suppose la création d’un lien profond entre l’enfant et le parent est un processus psychologique, biologique et spirituel complexe. Sans cet attachements un enfant est perdu, vulnérable à toutes sortes de pathologies. Je suis convaincu qu’un processus similaire peut lier les adultes à un lieu et leur donner un sentiment d’appartenance et une raison d’être. Sans un attachement profond à son lieu de vie, un adulte peut aussi se sentir perdu. L’expérience des enfants en milieu naturel semble largement négligée dans la recherche sur le développement de l’enfant, mais il serait intéressant d’examiner ces premières expériences et leur influence sur le long terme. On connait la capacité de la nature à apporter calme et apaisement dans nos vies trépidantes ; on pourrait également s’intéresser à la manière dont la relation d’une famille à la nature influence la qualité générale des relations familiales ».

 

Si un lieu géographique change rapidement d’une manière qui touche son intégrité naturelle, alors l’attachement précoce des enfants à la terre est en danger. Si les enfants ne s’attachent pas à la terre, ils ne récolteront pas les bénéfices psychologiques et spirituels que la nature peut leur procurer et ils ne développeront pas d’engagement en faveur de l’environnement sur le long terme. Ce manque d’attachement exacerbera les conditions mêmes qui ont créé ce sentiment de désengagement, alimentant une spirale infernale, dans laquelle nos enfants et la nature se détachent de plus en plus l’un de l’autre.

 

Je ne dis pas que la situation est désespérée. Loin de là. Les groupes de défense de l’environnement et, dans certains cas, les organisations scoutes traditionnelles, commencent à prendre conscience de la menace que représente pour l’environnement le syndrome du manque de nature. Quelques-unes de ces organisations agissent en faveur des retrouvailles nature-enfant. Ils admettent que si la connaissance de la nature est vitale, la passion reste le carburant qui permettra de tenir la distance dans la lutte pour sauver ce qui reste de notre patrimoine naturel et, grâce au retour de la nature en ville, de restaurer certains territoires perdus.

 

La passion ne se communique pas via une vidéo ou un CD, la passion est intime. La passion émerge de la terre elle-même et des mains boueuses des enfants. Elle migre le long des manches maculées d’herbe jusqu’au coeur. Si nous voulons sauver l’écologie et l’environnement, nous devons aussi sauver une espèce clé en voie de disparition : l’enfant et la nature.

 

 

Les vosges 1

PARTAGER: