Pour que vivent les semences paysannes…

  • 26 février 2019
       

Écrit par: Réseau semences paysannes • Photographies: Romuald Garnier

Après avoir été mises à mal par plusieurs décennies d’industrialisation et de spécialisation de l’agriculture, les semences paysannes sont aujourd’hui menacées d’interdiction définitive par de nouvelles évolutions réglementaires françaises et européennes. C’est pourquoi les organisations regroupées au sein du collectif “semons la biodiversité” ont décidé d’alerter les citoyens et les élus afin d’obtenir l’application de 10 mesures indispensables pour assurer la préservation et le renouvellement de la biodiversité cultivée.

Nos lois doivent garantir et protéger

1/ La reconnaissance de l’indispensable contribution passée, présente et future des agriculteurs et des jardiniers à la sélection, à la conservation et au renouvellement de la biodiversité cultivée.

De tout temps, les paysans ont sélectionné et conservé leurs semences. Toutes les plantes aujourd’hui cultivées sont issues de ce travail. Ce n’est qu’en puisant dans l’immense diversité des semences paysannes que l’industrie a pu sélectionner depuis un demi-siècle quelques variétés standardisées pour ses besoins. Face à cette menace, la reconnaissance de la contribution des agriculteurs, et de leurs droits ci-dessous qui en découlent est la seule garantie du renouvellement de la biodiversité cultivée, de la sécurité alimentaire, de la diversité et de la qualité de notre nourriture et de celle de nos enfants.

Ce droits, inscrits dans le Traité international des semences approuvé par le parlement français, ne sont toujours pas appliqués par notre gouvernement

2/ Le droit des agriculteurs de réutiliser leurs semences.

La plante doit co-évoluer avec son environnement (sol, climat, pratiques paysannes) pour pouvoir s’y adapter sans recours aux intrants chimiques. Cette adaptation n’est possible que si les paysans peuvent réutiliser régulièrement une partie de leurs récoltes précédentes comme semences.

Ce droit fondateur de l’agriculture est aujourd’hui menacé par les certificats d’obtention végétale (COV), les brevets, les aides de la PAC liées à l’achat de semences ou plants certifiés, les contrats liant la vente de la récolte à l’achat de la semence et les OGM.

3/ Le droit des agriculteurs d’échanger leurs semences.

Chaque fois qu’ils échangent leurs semences, les paysans augmentent la biodiversité. Ces échanges sont indispensables pour adapter les cultures aux changements climatiques et à l’évolution des techniques et des besoins humains.

Ce droit est aujourd’hui menacé par le catalogue officiel, la réglementation sanitaire, les COV, les brevets et les OGM.

4/ Les droits d’usage collectifs des paysans sur leurs semences.

Il est nécessaire de permettre aux paysans de s’organiser collectivement pour sélectionner, trier, gérer et protéger leurs semences. Ils créent pour cela des Maisons des Semences Paysannes : au sein de chacune d’elles, des droits d’usage collectifs, souvent non écrits, garantissent la conservation et le renouvellement des variétés locales et du stock semences nécessaire aux prochains semis, ainsi que sa protection contre les maladies, les ravageurs et la biopiraterie.

5/ La mission d’intérêt général de la gestion dynamique locale de la biodiversité cultivée.

Les banques de gènes réfrigérées existant au sein d’instituts de recherche ne suffisant pas à sécuriser la conservation des semences. La conservation en champs est leur complément indispensable, seul à même d’assurer le renouvellement et l’adaptation constante des semences aux évolutions climatiques, techniques, sociales…Ce travail ne peut être réalisé qu’au niveau local. Son caractère d’intérêt public exige l’engagement des collectivités territoriales : ces dernières doivent soutenir les paysans, les jardiniers, les chercheurs et les citoyens qui s’organisent collectivement dans ce sens. Ce travail doit être aussi financé par les bénéfices de ceux qui utilisent gratuitement la biodiversité disponible pour vendre des semences non librement reproductibles.

De tout temps, les paysans ont sélectionné et conservé leurs semences. Toutes les plantes aujourd’hui cultivées sont issues de ce travail…Aujourd’hui, une poignée de multinationales tente de s’approprier la totalité des semences, et avec elles, le droit des peuples à l’alimentation.

6/ Le vivant contre toute forme d’appropriation.

Après le COV, les nouveaux brevets sur le vivant viennent interdire les semences de ferme et confisquer les semences paysannes :

– Le brevet sur les plantes interdit toute réutilisation, y compris pour sélectionner d’autres plantes. Comme le Certificat d’Obtention Végétale, il interdit toute reproduction par les agriculteurs des semences issues de leur propre récolte ou, pour certaines espèces, la conditionne au paiement de royalties.

– La protection du brevet sur un procédé d’obtention, de sélection ou de multiplication s’étend aux plantes qui en sont issues.

– La protection des brevets sur les gènes, les caractères et autres parties de plantes s’étend à toute plante qui contient ou exprime les gènes, parties de plante ou caractères brevetés. Ces brevets vagabondent d’une plante à l’autre avec les pollens et les graines transportés par les abeilles, les vent, les animaux, les machines ou les hommes. En contaminant les semences de ferme et paysannes, ils obligent les agriculteurs à racheter chaque années leurs semences s’ils ne veulent courir le risque d’être poursuivis en contrefaçon.

– Le brevet sur les gènes « natifs » des plantes couvre des caractères qui existent déjà naturellement dans d’autres plantes qui deviennent ainsi la propriété du détenteur du brevet sans être issues de son invention. Il permet l’appropriation des plantes déjà existantes.

Ces brevets légalisent la biopiraterie et l’appropriation de toutes les semences par une poignée de multinationales. Le législateur doit interdire toute forme de brevets sur les plantes ou parties de plante, abroger et réécrire la loi de 2011 sur les obtentions végétales pour rendre au COV la totalité de son caractère « open source ».

7/ Le droit de produire et de consommer sans OGM.

Aucune mesure de coexistence ne peut empêcher la dissémination d’OGM cultivés en milieu ouvert. La protection des cultures sans OGM et de la biodiversité sauvage exige l’interdiction des cultures OGM en plein champs. Il faut également donner aux agriculteurs et aux consommateurs la possibilité de refuser les nouveaux OGM non réglementés (plantes, mutées, rendues tolérantes aux herbicides,..) en leur fournissant des informations claires sur les procédés d’obtention, de sélection et de multiplication des plantes.

8/ Le droit de commercialiser des semences paysannes.

Il convient pour cela.

– D’autoriser la commercialisation en circuit court de semences librement reproductibles et non génétiquement manipulées, sans obligation d’inscription de la variété au catalogue officiel des semences industrielles, ni de certification du lot de semences, avec une simple indication de la dénomination de la variété, de sa région d’origine et du lieu et de la date de production du lot de semences commercialisé.

– D’ouvrir le catalogue officiel aux variétés populations hétérogènes librement reproductibles et non génétiquement manipulées. Annoncée dans la loi Grenelle, cette ouverture n’est toujours pas appliquée. Elle exige l’adaptation et l’assouplissement des critères actuels d’enregistrement qui correspondent uniquement aux variétés industrielles et non aux variétés populations indispensables aux agricultures paysannes et biologiques.

– De garantir la gratuité de l’enregistrement pour les petites entreprises.

9/ La reconnaissance des méthodes biologiques et paysannes de maîtrise des risques sanitaires et l’adaptation des normes à la taille des entreprises et à la dimension des marchés.

Les précautions sanitaires, phytosanitaires et de biosécurité garantissent la qualité des semences, des récoltes et de l’alimentation. Les normes réglementaires s’orientent aujourd’hui vers une stérilisation chimique de toutes les semences, au détriment des abeilles, des oiseaux, de la vie microbienne des sols…Elles interdisent les méthodes biologiques et paysannes de maîtrise des risques à base d’une bonne agronomie et de produits naturels (ex : purin d’ortie, eau chaude…) bien plus respectueuses de l’environnement et de la santé des consommateurs. Elles imposent aux petites entreprises des contraintes disproportionnées qui ne sont adaptées qu’aux risques générés par les très gros volumes et les gros marchés.

10/ Le maintien d’un contrôle public de la qualité et de la mise en marché des semences, indépendant de l’industrie semencière et du GNIS :

Le contrôle des semences mises en marché est actuellement effectué par des agents détachés du GNIS (Groupement National Inter-professionnel des Semences et plants), qui regroupe l’ensemble des entreprises semencières qui, ainsi, se contrôlent elles-mêmes. Le contrôle de leur production est confié à chaque entreprise (auto-contrôle), sous contrôle du Service officiel de contrôle du même GNIS. Pour éviter tout conflit d’intérêt, ce contrôle doit être assuré par un service public, totalement indépendant de l’industrie semencière.

Ces dix mesures sont traduites en propositions législatives et réglementaires soumises aux élus, au gouvernement, réactualisées au fur et à mesure de l’évolution du calendrier parlementaire et consultable sur le site : www.semonslabiodiversite.com.